J’ai laissé toute cette vie m’envahir et j’ai avancé. Je pensais encore, à cet instant, pouvoir me fondre dans la foule. 
Présentation

Un soir de juillet, sur l’esplanade de la gare Montparnasse, le narrateur est apostrophé par un homme agité qui répète plusieurs fois sa question : “Qui es-tu, toi ?”. Cette interrogation aussi élémentaire qu’étrange ouvre un temps durant lequel le monde va s’effacer, plongeant le narrateur à la fois dans son propre passé et dans l’histoire de sa ville. Guidé par cette ombre errante, il déambule dans un Paris étrangement vide, se remémorant des scènes proches ou lointaines, des existences anonymes ou fameuses… Mille vies l’ont précédé dans cette ville qui l’a vu naître et mettre au monde lui-même tant de personnages.
Rêve ? Cauchemar ? Fiction ? Ce court récit de déambulation est une nuit de tourment et d’agitation mais aussi l’occasion de célébrer ce qui nous constitue, toutes ces présences-absences, ces traces de vies illustres ou tombées dans l’oubli qui ont déposé un peu d’elles en nous. Comme s’il s’agissait de donner à voir la crypte, cette profondeur des temps, ce terreau des générations qui ont vu, qui ont empli, incarné et renouvelé Paris.

Paris, mille vies a reçu le prix Castel du Roman de la Nuit 2021.

 
Extrait

« J’ai le sentiment que quelque chose gronde et m’appelle, quelque chose que je ne vois pas encore mais qui pousse. La foule continue d’aller et venir mais, dans le creux de ce qui est apparent, je sens les rues vivre. Cela bruisse et gonfle. Tout continue en surface mais j’ai la sensation étrange de me décoller de la vie et du jour. Comme si je m’éloignais des hommes et de leur agitation. L’homme du parvis n’a pas disparu. Il est devant moi, un peu plus loin. On dirait qu’il m’attend. C’est à cet instant que je comprends que cette rencontre n’est pas un hasard et que cet homme n’est pas un égaré. C’est une invitation. L’après-midi s’achève mais quelque chose commence. Tous les bruits de la ville s’estompent autour de moi. Je suis loin, touché par une autre rumeur qui croît et m’envahit. Je sens qu’il faut la laisser monter et accepter de m’enfoncer dans cette nuit nouvelle. Oui. Que ce qui gronde prenne maintenant toute la place. »